Cette note a pour objet de relever et de décrypter certaines failles organisationnelles, médico-économiques et médicales au regard des besoins des patients atteints de Sclérose latérale amyotrophique (SLA) et de leurs proches.
La prise en charge en Unité de soins palliatifs (USP)
La loi française prévoit un accès universel aux soins palliatifs. Pour les patients atteints de SLA décédés en 2018 en milieu hospitalier, seuls 8% ont pu être pris en charge en USP avec une durée moyenne de séjour (DMS) de 16,1 jours. Le nombre moyen de jours d’hospitalisation dans les 6 derniers mois est 34 jours en MCO et 82 jours en HAD. (Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (2021) Les personnes atteintes de Sclérose latérale amyotrophique (SLA) et la fin de vie : quels besoins ? Quelles attentes ? Quelle prise en charge ? Paris : CNSPFV)
Première remarque : La prise en charge de ces patients vient percuter la question médico-économique du modèle de financement car les USP sont assujetties au même mode de financement que les autres services de MCO (financement à l’activité : T2A). Les équipes sont confrontées aux bornes de la durée moyenne de séjour, qui est de 14 jours en USP. Or, les patients atteints de SLA nécessitent de longues durées d’hospitalisation ; les USP peuvent être amenées à proposer des séjours séquentiels, voire des séjours dans d’autres structures sanitaires qu’elles soient ou non palliatives. Ces séjours multiples peuvent fracturer le parcours des patients et de leurs aidants.
Deuxième remarque : Les patients atteints de SLA qui arrivent en USP sont très souvent médicalisés (1/3 sont dépendant d’une nutrition artificielle et/ou VNI, voire trachéotomie – CNSPFV, op.cit) et nécessitent des soins de nursing importants. Or les USP n’ont généralement ni le matériel ni la formation pour prendre en charge ce type de patients car historiquement, ces structures sont spécialisées dans la prise en charge de malades de cancer.
Les directives anticipées et la sédation profonde et continue jusqu’au décès
La loi du 2 février 2016, qui a renforcé certains dispositifs tels que les directives anticipées et ouvert un droit, sous conditions, à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, permet-elle d’accompagner les patients atteints de SLA et si non, pourquoi?
Pour rappel, l’Article L. 1110-5-2 de la loi du 2 février 2016 stipule : « A la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :
« 1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ;
« 2° Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.
« Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie. »
Dans le cas des personnes atteintes de SLA, le cadre législatif qui s’applique majoritairement est celui des deux premiers critères de la loi, les patients étant dans la grande majorité des cas conscients.
Parallèlement à l’ouverture d’un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, la loi a renforcé le dispositif des directives anticipées (DA) qui sont devenus contraignantes.
Selon une étude menée par l’ARSLA et dont les résultats ont été publiés en 2021, pour les patients atteints de SLA, l’objectif des DA semble être prioritairement d’initier une réflexion anticipée sur ce qu’ils souhaitent en matière de prise en charge – sachant qu’il n’existe aucun traitement à visée curative et que les traitements disponibles sont palliatifs : nutrition et hydratation artificielle, ventilation non-invasive ou invasive – et de fin de vie, plutôt que de directives pour une situation où ils ne seraient plus conscients.
Première remarque : Du fait de la réflexion instiguée par la démarche des directions anticipées sur leurs conditions de fin de vie, certaines personnes atteintes de SLA arrivent en USP ayant déjà réfléchi aux limites qu’elles ne souhaitaient pas franchir et peuvent être dans une demande affirmée de SPCJD, en soutien d’une limitation ou arrêt des thérapeutiques actives (LAT).
Par conséquent, la temporalité ressentie par le patient et ses proches d’un côté, par l’équipe médicale de l’autre côté, peut être discordante. Pour l’équipe soignante qui reçoit le patient, la perspective d’un arrêt total des traitements et d’un accompagnement par une SPCJD d’emblée est difficilement envisageable et nécessite de requestionner la demande du patient. Cette différence de temporalité est source de tensions (CNSPFV, op.cit)
Deuxième remarque : pour que la SPCJD soit efficace, c’est à dire qu’elle remplisse sa fonction d’accompagnement jusqu’à la mort sur un temps qui correspond aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) (quelques heures à quelques jours), il faut que le patient soit physiologiquement très affaibli, par exemple qu’il soit dénutri et déshydraté, en tout état de cause en phase agonique. Or cette situation n’est pas forcément celle des patients SLA qui arrivent en USP, comme en témoigne certains responsables de ces services.
Troisième remarque : si la loi de 2016 ne définit pas de hiérarchie entre les différents traitements de maintien en vie, la HAS dans ses recommandations de 2018 en établit une : « Les arrêts de ventilation seront précédés d’une SPCMD. Les patients qui ont une maladie dont l’arrêt des traitements engage leur pronostic vital à plus long terme ou n’entraine pas de souffrance insupportable ne sont pas d’emblée concernés par la SPCMD ».
Dès lors, selon les critères actuels de la loi et les recommandations de la HAS, un patient SLA peut ne pas être accompagné par une SPCJD, telle que normée actuellement, soit parce qu’il n’est pas assez proche de la mort, soit parce que sa demande de limitation thérapeutique ne concerne que la nutrition artificielle.
Les éléments présentés ici mettent en lumière les difficultés auxquelles peuvent être confrontées les personnes atteintes de SLA, ainsi que leurs proches, dans leur accompagnement en fin de vie. Plus particulièrement, la question qui se pose est la suivante : la sédation profonde et continue jusqu’au décès est-elle la pratique clinique qui répond aux demandes de patients atteints de SLA qui souhaitent la non-instauration ou l’arrêt de nutrition artificielle ?
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