Skip to content

La loi sur l’aide médicale à mourir dans l’Etat de Victoria, Australie

Des pays à travers le monde ont légiféré sur l’aide médicale à mourir : 10 états ainsi que le District of Columbia aux Etats-Unis, le Canada, la Nouvelle Zélande, plusieurs états et territoires en Australie, l’Autriche, l’Espagne, le Luxembourg mais aussi et depuis 20 ans, les Pays-Bas et la Belgique. Nous vous proposons d’examiner en détail l’application d’une loi sur l’aide médicale à mourir dans un de ces territoires : l’Etat de Victoria, premier état en Australie à avoir voté une loi sur cette pratique en 2017.

Une loi et sa mise en place minutieusement préparées

L’Etat de Victoria a été le premier état australien à voter une loi en faveur de l’aide médicale à mourir, sous le terme Voluntary Assisted Dying Act. La législation fut votée en 2017 mais son application ne fut effective que le 19 juin 2019. A dessein : il s’agissait de se donner 18 mois pour mettre en place toute l’infrastructure nécessaire à la bonne application de la loi, notamment la formation des médecins volontaires pour accompagner les patients demandeurs d’une aide médicale à mourir. Celle-ci peut prendre la forme d’un suicide assisté (c’est à dire que la personne malade prend elle-même une substance létale prescrite par un.e médecin) ou d’une euthanasie (c’est à dire que c’est un.e médecin qui effectue le geste/l’injection d’une molécule létale) lorsque la personne n’est pas en capacité de s’auto-administrer la substance ou ne peut la digérer.

Ce choix d’un décalage entre le vote de la loi et sa mise en application mérite d’être soulignée car elle est extrêmement rare. Elle permet une préparation à différents niveaux (formation des médecins et des autres professionnels de santé, information du grand public et des professionnels, mise en place de la plateforme pour recueillir les demandes des patients, élaboration d’un système de collecte de données) qui mériterait d’être largement publicisée dans d’autres juridictions élaborant des lois sur l’aide médicale à mourir.

Des critères stricts d’accès à l’aide médicale à mourir

Comme dans tous les pays ayant légiféré sur l’aide active à mourir, des critères très spécifiques s’appliquent et balisent l’accès à cette pratique. La loi de l’Etat de Victoria permet l’accès à l’aide médicale à mourir aux patients atteints d’une maladie incurable, avancée, progressive et dont la souffrance est intolérable. Les patients doivent faire explicitement la demande d’accès à l’aide médicale à mourir. Leur pronostic vital doit être estimé à 6 mois et à 12 mois pour les personnes atteintes de pathologies neurodégénératives. Deux médecins doivent évaluer la situation de la personne malade qui demande l’accès à l’aide médicale à mourir.

Les personnes malades doivent être majeures, vivre depuis au moins 12 mois dans l’Etat de Victoria et être capables de discernement. Seule la personne malade peut initier une conversation et une démarche pour accéder à cette pratique. Les médecins ne sont pas autorisés à en parler à leurs patients.

Après la double évaluation médicale, la personne malade doit réitérer sa demande par écrit. Le médecin référent peut alors demander un permis pour pouvoir procéder à la prescription de la substance létale qui est délivrée par une pharmacie.

Un suivi et une collecte de données permettant d’évaluer l’effectivité de la loi

La loi a prévu la mise en place de la collecte de données sur les demandes de patients, le traitement de ces demandes, la part de refus des autorités, le pourcentage de décès par rapport à la mortalité globale, le nombre de médecins formé.e.s. Les cinq premiers rapports furent rédigés tous les six mois. Le sixième est annuel et couvre la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022. Ces données sont collectées et colligées par un Comité d’évaluation de l’assistance volontaire à mourir.

Le rapport 2021-2022 indique que 401 personnes sont décédées d’une aide médicale à mourir sur les douze mois couverts par la période, ce qui représente 0,58% des décès ; en 2020-2021, 310 morts ont été recensés alors qu’en 2019-2020, 190 l’avaient été. Au total, 901 personnes sont décédées par le biais de l’aide médicale à mourir depuis la mise en place de la loi en juin 2019. 517 personnes se sont auto-administré la substance létale prescrite ; pour 87 personnes, le.la médecin a administré la substance létale. Dans 291 cas, la substance létale n’a pas été administrée.

54% des personnes ayant formulé une demande étaient des hommes. Plus de 60% des malades avaient entre 65 et 84 ans. Dans 81,58% des cas, la personne malade était atteinte d’un cancer. Dans 9,64% des cas, la personne était atteinte d’une maladie neurodégénérative.

81% des malades étaient suivis par un service de soins palliatifs, pour moins de 12 mois pour 76,3% d’entre eux. La médiane de prise en charge en soins palliatifs était de 3 mois.

Comme dans d’autres pays ayant légiféré sur l’aide médicale à mourir, la majorité des patients qui demandent à accéder à cette pratique sont atteints de cancer et une part non négligeable est atteinte de pathologies neurodégénératives (Troisième rapport sur l’aide médicale à mourir, Gouvernement du Canada, 2021 ; Rapport de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, Belgique, 2020-2021).

En outre, les patients ayant accédé à l’aide médicale à mourir ont également eu accès à des services de soins palliatifs, ce qui tend à montrer que ces deux types de prises en charge et de pratiques ne sont exclusives l’une de l’autre. La demande d’accès à une aide médicale à mourir est, au moins dans certains cas, indépendante de la prise en charge en soins palliatifs et semble refléter une volonté spécifique de choisir sa mort face à une souffrance réfractaire.

Des médecins formés et issus de différentes spécialités

Les médecins qui souhaitent être impliqués doivent suivre une formation en ligne. Au 30 juin 2022, 618 médecins étaient formés. Le plus grand nombre de médecins formés est issu de la médecine générale (182 médecins), puis de l’oncologie médicale (47), d’autres spécialités (anesthésie, chirurgie, neurochirurgie, psychiatrie, urologie, etc.) (15), neurologie (15 médecins). Le plus petit nombre de médecins formés est affilié aux soins palliatifs (5 médecins).

Dans son rapport 2021-2022, le Comité note qu’il est nécessaire de continuer à former des médecins pour s’assurer que la couverture de l’Etat est optimisée et qu’elle permet à tous les patients qui le souhaitent d’avoir recours à l’aide médicale à mourir, qu’ils soient en ville ou en milieu rural.

De la nécessité de continuer à évaluer les pratiques

Le Comité souligne l’importance pour les patients d’anticiper la démarche s’ils souhaitent recourir à l’aide médicale à mourir car « il ne s’agit pas d’une procédure d’urgence. » (p. 26).

Il souligne également qu’il a reçu des témoignages faisant état d’individus et de services de santé qui continuent à décourager activement ou à empêcher l’accès à l’aide médicale à mourir. La loi a prévu des sanctions pour les personnes qui forceraient les malades à avoir recours à l’aide médicale à mourir mais n’a pas prévu de sanctions dans la situation où des individus empêcheraient des malades à y accéder. Au vu de la situation, le Comité soutient l’idée d’introduire dans la réglementation l’obligation pour les médecins s’opposant à l’aide médicale à mourir, de fournir l’information sur la législation aux patients.

Accéder au dernier rapport du Comité de l’Etat de Victoria sur l’aide médicale à mourir